Il y a vingt ans, Firefox allumait une flamme d'espoir dans un web dominé par Internet Explorer. Rapide, innovant, respectueux de la vie privée, le navigateur de Mozilla incarnait la promesse d'un Internet libre et ouvert. Aujourd'hui, ce symbole de résistance face aux géants technologiques vacille dangereusement. Peut-on encore sauver le renard de feu ?
Souvenez-vous de la fin des années 2000. Vers 2009-2010, Firefox atteignait près de 30 % de parts de marché sur desktop au niveau mondial, avec des pointes beaucoup plus fortes dans certains pays (parfois plus de 50 % d’utilisateurs). En France, il dépassait le tiers des internautes. C'était l'époque bénie où un navigateur libre et open source pouvait rivaliser avec les mastodontes de la Silicon Valley.
Le secret de ce succès ? Une recette simple mais efficace : des performances au rendez-vous, une sécurité renforcée, et surtout un respect sans faille de la vie privée des utilisateurs. Firefox n'était pas qu'un navigateur, c'était un étendard brandi par des millions d'internautes soucieux de préserver leur liberté numérique.
Puis vint l'année 2008, et avec elle, Google Chrome. Le déclin de Firefox fut aussi inexorable que brutal. Aujourd'hui, les chiffres font froid dans le dos : tous appareils confondus, Firefox représente environ 2,5 % du marché des navigateurs, et seulement ~0,5 % sur mobile. Sur desktop seul, il se maintient autour de 5 à 6 %. Pour donner une idée, même Edge, longtemps associé au fantôme d’Internet Explorer, fait mieux.
Comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont multiples : un retard stratégique sur le mobile au tournant des années 2010, des contraintes techniques imposées par Apple sur iOS, mais aussi une concurrence acharnée menée par Google avec des moyens colossaux. Et pendant ce temps, Mozilla s'éparpillait dans des projets annexes parfois hasardeux : Firefox OS (abandonné), Hubs (fermé), mozilla.social (arrêté)...
Voici l'ironie cruelle de la situation : en 2022, Mozilla affichait environ 593 millions de dollars de revenus annuels, avec une trésorerie dépassant le milliard. Comment une organisation si prospère peut-elle être menacée de disparition ?
La réponse tient en un chiffre glaçant : environ 85 % de ces revenus proviennent de Google. Oui, vous avez bien lu. Le principal concurrent de Firefox finance son développement à hauteur de ~500 millions de dollars par an, simplement pour rester le moteur de recherche par défaut du navigateur.
Cette dépendance est devenue une épée de Damoclès. Le procès antitrust actuellement en cours aux États-Unis contre Google pourrait tout faire basculer. Si le Département de la Justice obtient gain de cause et interdit ces paiements pour placement par défaut, c'est tout l'édifice financier de Mozilla qui vacillerait.
Les signes avant-coureurs se multiplient. En 2020, en pleine pandémie, Mozilla s'est séparé de 250 employés, soit près d'un quart de ses effectifs. En février 2024, environ 60 postes supplémentaires ont été supprimés. Et en novembre 2024, nouveau coup de massue : 30 % du personnel de la Mozilla Foundation dans ses divisions plaidoyer et programmes mondiaux a été licencié.
Ces coupes drastiques ne sont pas le fruit du hasard. Mozilla anticipe la fin de la manne Google et tente de réduire la voilure avant le naufrage. Mais à quel prix ? Comment continuer à développer un navigateur moderne et compétitif avec des équipes réduites à peau de chagrin ?
Face à ce péril existentiel, Mozilla explore plusieurs pistes de survie :
Tout n'est pas perdu. En mars 2025, Mozilla a partagé des chiffres encourageants : le nombre d'utilisateurs quotidiens de Firefox a augmenté de 99 % en Allemagne et de 111 % sur iOS en France. Ces croissances, bien que partant de bases faibles, montrent que le message de Firefox trouve encore un écho.
Le contexte réglementaire pourrait aussi jouer en faveur de Mozilla. Le Digital Markets Act en Europe oblige désormais Apple et Google à offrir plus de choix aux utilisateurs. Une fenêtre d'opportunité que Mozilla tente d'exploiter.
Au-delà du sort d'un navigateur, c'est l'avenir du web lui-même qui se joue. Gecko, le moteur de rendu de Firefox, est le dernier moteur majeur indépendant encore en lice face à Chromium (Google) et WebKit (Apple). Si Firefox disparaît, le web serait quasiment standardisé selon les règles dictées par deux géants technologiques.
Imaginez un Internet où toutes les pages web sont optimisées uniquement pour les technologies de Google et Apple. Où l'innovation ne vient plus que de ces deux entreprises. Où la vie privée n'est protégée que si cela arrange leur modèle économique. C'est ce futur qui se dessine si Firefox s'éteint.
Firefox peut-il disparaître ? La réponse honnête est : oui, le risque existe. Sans un miracle financier ou un sursaut collectif de soutien, le renard de feu pourrait s'éteindre dans les années qui viennent.
Mais ce n'est pas une fatalité. Mozilla dispose encore d'une trésorerie conséquente, d'une communauté fidèle, et d'un produit qui reste techniquement excellent. Son engagement pour la vie privée n'a jamais été aussi pertinent à l'heure des scandales à répétition des GAFAM.
Le sauvetage de Firefox ne dépend pas que de Mozilla. Il dépend aussi de nous, utilisateurs, qui avons le pouvoir de choisir. Chaque installation de Firefox est un vote pour un web plus libre, plus éthique, plus ouvert.
Le renard de feu vacille, mais il n'est pas encore éteint. Il est peut-être temps de souffler sur les braises avant qu'il ne soit trop tard.
Et puis, n’oublions pas qu’avant d’être Firefox, le projet s’appelait Phoenix. Qui sait ? Si le renard venait à s’éteindre demain, peut-être renaîtrait-il de ses cendres, tel le phénix qu’il fut à l’origine. 😉
De Tom le 02-10-2025 à 09:39 | |
Bel Article Bilou. Ca serrait telement triste que firefox disparaisse bien que je ne l'utilise plus. ton article me donne avis de lui redonner une chance :) |